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"4 Questions à Catherine LECOQ"

Par Emilie Cester
Présidente de la Commission Egalité Professionnelle
juin 2009

MARSEILLAISE D'ADOPTION, Catherine Lecoq est une chanteuse et comédienne très engagée sur les questions de paix et de droits des femmes. Elle a milité plusieurs années en première ligne, pour défendre les salariés des métiers du spectacle et de la culture, improprement nommés intermittents.
Elle est viceprésidente du Mouvement de la Paix régional PACA. Dans la chanson “Lutter au Féminin” vous dénoncez un certain nombre d'abus dont les femmes sont particulièrement victimes. Expliquez-nous votre engagement pour la condition des femmes.


Cette chanson a vu le jour en mars 2009 et a “illustré” le générique de « EgalitéEs » que j'ai contribué à élaborer. Si ces questions de genre m'obsèdent, c'est que la condition féminine encore aujourd'hui est bafouée. Une femme tous les 2 jours meurt sous les coups de son conjoint, toutes les 12 minutes un viol est commis en France, l'humiliation est fréquente, l'inégalité salariale (-21 %) encore de mise, les viols comme armes de guerres dans les pays en conflit deviennent une pratique courante !
La femme est la variable d'ajustement de négociations insoutenables. Déjà à 17 ans, je manifestais sur le Champ de Mars à Paris pour l'avortement et la contraception, il y a de cela 33 ans ! L'IVG aujourd'hui est à nouveau menacé, les centres ferment sous couvert d'économie du service public et reportent à plus de trois semaines le temps légal d'aménorrhée, les femmes vont en Espagne pratiquer ces actes, nous avons fait un bond en arrière insupportable ! Oui, des lois ont été votées, des décrets promulgués mais ils ne sont pas mis en application ! On inscrit sur le livret de famille un foetus mort, on répudie juridiquement une femme et on demande le divorce parce qu'elle n'est pas vierge !
C'est ici en France en 2009 ! Les droits des femmes et par delà les droits de l'homme sont en régression ! Que ce soit sous la pression des religions, pire carcan qui puisse exister pour les femmes, ou du patriarcat, les femmes sont les premières victimes d'un monde inégal.
Je suis horrifiée chaque jour de voir des femmes vitriolées au Pakistan, en Inde, en Afghanistan parce que des hommes les ont violées, parce que la dot n'est pas suffisante ! Je suis horrifiée de savoir que l'on fait subir à de toutes petites filles une mutilation génitale d'une cruauté sans égale ! (je lisais Benoîte Groult qui dénonçait l'excision. J'avais 16 ans).

Combien de temps encore allons nous faire souffrir les femmes ?
Je suis horrifiée de savoir que dans les parties en conflits, les femmes et fillettes sont violées intentionnellement et qu'elles ne sont libérées que lorsqu'elles ne peuvent plus avorter ; ainsi s'opère une « épuration ethnique » ; ces femmes sont ensuite répudiées par leurs familles et battues pour faire bonne mesure !

Un village de femmes au nord du Kenya s'est instauré afin de sauver ces femmes et leurs enfants de la mort, et qu'elles se reconstruisent. Elles éduquent ainsi leurs enfants, y compris les petits garçons à les aider et vivent en Paix sans hommes ! Est-ce ainsi que nous désirons vivre ? Les femmes d'un côté et les hommes de l'autre ? Et uniquement, comme le font certains animaux, s'accoupler pour la reproduction ? Il est grand temps de faire preuve d'une véritable avancée en matière de droits pour les femmes. Et je ne parle pas des humiliations quotidiennes que vivent les femmes au travail, dans la sphère familiale ou amicale, sans pouvoir y mettre un terme !
Et malheureusement la liste n'est pas exhaustive : mariages forcés des fillettes à des grands pères, interdiction aux fillettes de s'instruire dans certains pays, mise sous linceul dans les rues, partage des taches dans les familles, plafond de verre dans les carrières féminines ! Les femmes sont-elles nées coupables ? Les exemples sont légion pour se dresser contre cet ordre établi sans parler de la prochaine réforme territoriale qui, instituant un scrutin à mode uninominal contre proportionnel à l'heure actuelle, verra les femmeséliminées de la sphère politique ! Les femmes représentent 51,25 % de l'humanité. Qu'en est-il des prises de décisions ?

Le 8 Mars a été donné le départ de la 3e marche mondiale des femmes. Comment vous inscrirez-vous dans cette démarche ?


J'ai contribué à l'élaboration de cette marche à plusieurs niveaux :
élaboration d'un DVD sur la marche avec le collectif mixité CGT, synopsis et sollicitation des villes partenaires où se dérouleront les projections débats. L'atelier « Paix et démilitarisation » dans le film, j'en suis la coordinatrice. « Libres, solidaires, nous marchons », j'en ai écrit encore la chanson du générique. Je sollicite les artistes qui pourront se joindreà cette manifestation.
Je communique largement autour de moi pour qu'un maximum de personnes y compris des hommes, bien sûr, soient présentes à cette ouverture de la marche ! Il y a des chansons de mon nouvel album qui sont sonorisées lors de l'arrivée sur le Vieux Port. Et ce n'est que le début de cette marche qui durera jusqu'au 17 octobre !


Votre nouvel album XXelles dont vous avez écrit les textes, parle des femmes. Quels sujets y abordezvous plus précisément?

Certains thèmes dont j'ai parlé plus haut, mais aussi la joie d'avoir eu une fille, l'accouchement et le mystère qu'il représente pour moi encore aujourd'hui, son départ proche pour sa vie, elle a 18 ans… et des idées bien naturelles de liberté dans la tête. La violence conjugale est présente.
Je voulais aussi témoigner (ou chanter) de l'étonnement du désir féminin à un âge où l'on pense
que ce n'est plus pour soi, et l'orgasme qu'il déclenche. Une chanson, particulièrement adressée aux hommes et à leur façon de nous aimer, qui fait état de la parité notamment. Un autre fait marquant m'a faitécrire d'un seul trait « Asile » : c'est la façon odieuse et brutale de renvoyer des femmes et des hommes dans des pays qu'ils ne connaissent pas où pour la plupart ils sont en danger de mort, ceux qu'on nomme les « sans papiers ». Je parle d'une femme qui demande asile à notre pays !
La chanson de la marche mondiale que j'ai écrite est basée sur l'espoir ; le genre humain dans son entier fera que nous pourrons croire en demain. Et une chanson dédiée à mon amie Florence Brunet, comédienne chanteuse merveilleuse, qui a été emportée par un mélanome en octobre 2008 et qui m'a fait promettre de faire cet album. En tout, il y en a 10 plus un texte « fendue » léger et drôle sur le sexe féminin.
Nous sommes en train de répéter pour le concert acoustique où je rajouterai la chanson « Lutter au féminin » sortie l'année dernière et des textes d'auteurs divers également sur le thème des femmes. L'album a été co-écrit dans les compositions musicales avec Alain Ortéga et Jean François Boulade qui ont été de précieux cocréateurs. Autant en studio il n'y a eu que des hommes autant sur scène et à la console il n'y aura que des femmes ! C'est un vrai choix et je suis ravie d'avoir travaillé entre ces deux sensibilités.


Comment avez-vous intégré vos revendications féministes dans votre mandat au Conseil Régional ?


J'ai essayé de les intégrer de façon transversale, en ne laissant rien passer auprès de mes collègues élus par exemple. Plus concrètement, en essayant de travailler à l'élaboration d'approche dans tous les domaines de la vie sociétale et d'aider des associations qui mettent en place des procédés qui font avancer ces thématiques.
Aider à implanter aussi par exemple une bibliothèque dans le désert algérien pour les jeunes. Travailler aux côtés de femmes qui veulent sortir de la prostitution par l'artistique pour avoir une autre vision de soi même. Travailler aux questions de culture de Paix qui nous garantiront l'équité du territoire dans l'approche hommes femmes. Je pars début mai avec une délégation de 140 personnes de Paca dont 90 cheminots à New York à l'ONU pour le traité de non prolifération des armes nucléaires. Aider les centres sociaux, l'alphabétisation, rendre la dignité à ces femmes afin qu'elles prennent leur destin en main. Le travail est encore long avant de percevoir le fruit de notre mobilisation, mais il est nécessaire.